A l’occasion de la fête des Mères qui approche, je voudrais aujourd‘hui évoquer la notion de Mère en Inde : ce mot Mère, Ma ou Mata possède dans ce pays une dimension sacrée, il revêt un sens très fort.
Il est associé aux déesses, Devi est la déesse mère, Mahadevi étant la Mère suprême. Cette sacralité se rencontre au niveau ultime jusque dans chaque famille indienne traditionnelle où la mère biologique est la manifestation de la mère divine et honorée comme telle.
La Mère divine
De tout temps de grandes figures féminines ont incarné cette sagesse.
En Inde, Ma Anandamayi est considérée comme l’une des femmes saintes les plus emblématiques du 20° siècle (elle est, ou selon l’expression hindoue, « a quitté son corps physique » en 1982) et aujourd’hui Mata Amritanandamayi est sans doute la figure spirituelle indienne la plus connue dans le monde entier.
La vie quotidienne en Inde reste profondément marqué par le sacré : la Trimurti – les trois divinités principales -est le fondement de l’enseignement spirituel hindou : il permet d’expliciter le monde manifesté dans laquelle nous évoluons : Brahma représente le principe créateur, Vishnou, le préservateur et Shiva le destructeur qui permet le renouvellement.
Cependant le principe actif, soit la Shakti, l’énergie créatrice, est manifesté par l’aspect féminin de la divinité hindoue.
La mère figure donc le coté féminin dans le monde des formes.
Ainsi Saraswati (Shakti de Brahma), Lakshmi (Shakti de Vishnou) et Parvati (Shakti de Shiva) représente toutes « la Mère » en tant que génitrice, celle qui est à l’origine de toutes choses dans l’univers.
Mais elles matérialisent aussi l’Absolu, le Soi, l’Atman, le sans forme.
Saraswati est aussi nommée Vac, la déesse de la parole : du verbe naît toute la manifestation. Saraswati est donc à l’origine de toutes les formes, c’est la mère bien aimée, celle par qui tout est crée, tout advient.
De même Lakshmi est vénérée pour ses qualités de fécondité : c’est elle qui permet à la manifestation d’émerger, d’être et de se déployer. Elle est donc la matrice sous-jacente, latente. Elle est le fondement, le socle de toutes choses, sans elle, rien ne peut se développer. En ce sens, elle peut personnifier la terre (Bhûdhevî, déesse de la terre est alors considérée comme un des aspects de Lakshmi).
Durga est une des formes prises par Parvati sous sa forme destructrice. Durga exprime une terrible force sereine : elle symbolise la victoire de la connaissance sur l’obscurantisme mais aussi la puissance. Son aspect bienveillant est cependant primordiale car elle est aussi la mère protectrice, généreuse (elle vient au secours des plus faibles), celle qui rétablit l’ordre du monde.
Ainsi lors de la grande fête de Navaratri, qui se déroule durant neuf nuits (au printemps et en automne), les 3 déesses sont souvent honorées ensemble :
c’est l’occasion de vénérer les déesses en tant que Mère divine qui apportent tout à la fois : protection, prospérité-fécondité et la lumière vers le divin.
Les déesses Mères sont présentes partout
L’inde, en tant que pays, est considérée comme la mère de tous les Indiens, elle est alors nommée Ma Barhati ou Bhârat Mata (Mother India) et figure l’aspect protecteur, nourricier... de la nation.
Le Gange est féminin, c’est une déesse dont l’aspect nourricier est prépondérant : Ganga Mâ apporte la prospérité : elle permet en effet à des millions d’indiens de vivre tout au long de son parcours jusqu’à l’océan Indien. L’eau c’est la vie, la purification : se baigner dans le Gange aux bords des Ghats de la ville de Varanasi est un des désirs les plus chers à tous les hindous. L’eau du Gange est aussi considérée comme un remède à toutes maladies.
De nombreux villages, partout en Inde, possèdent leur propre déesse mère qui est honorée tout au long de l’année : c’est la déesse protectrice des habitants. Au minimum une fois par an, une fête, rassemblant tout le village lui est dédiée.
On compte beaucoup sur elle pour favoriser la fécondité de la nature et éviter sa colère (orages, sécheresse…).
La mère dans l’Inde traditionnelle
Malgré la modernisation de la société indienne, son boom économique, le développement très rapide des nouvelles technologies et l’apparition d’une classe moyenne importante, de nombreuses familles continuent d’élever leurs enfants de façon traditionnelle.
Dans l’Inde, surtout rurale, la vie quotidienne est encore très imprégnée par le sacré :
tous les actes journaliers sont inspirés par la spiritualité : bénédiction dès le réveil à son Ishta Devata (divinité de prédilection), hommage au soleil, rituels au cours de la journée, au cours de la semaine, au cours du mois (jours de jeûne, hommages aux anciens…), de l’année (grandes fêtes hindoues nationales, du village…) sans compter les rites de passage : naissance, cordon sacré, Upanayama pour les garçons, mariage...
Cette codification, ces nombreuses célébrations... peuvent nous sembler très contraignantes, à nous occidentaux, cependant, tel un moine dans un monastère dont l’existence est entièrement ordonné vers la recherche de Dieu, tout hindou est, lui aussi, constamment dans le rappel de la quête de l’Absolu.
Dans ce cadre, l’éducation des enfants revêt une importance capitale, pour qu’un adulte soit heureux, il est nécessaire qu’il ait reçu enfant beaucoup d’attention, d’amour et un cadre propice à son développement.
L’éducation des enfants est l’affaire de la famille élargie voire de l’ensemble du village (en Afrique aussi, on dit que pour bien élever un enfant, il faut tout un village). La solidarité ainsi que l’exemplarité collective joue un rôle primordial.
L’enfant est roi : jusqu’à 6-7 ans tout lui est permis ou presque, les adultes sont à son service, ils sont là pour lui donner ce dont il a besoin.
Bébé, sa mère l’allaite longuement (souvent plus d’un an voire deux, ce qui était d’ailleurs le cas en France, il y a encore quelques décennies) toujours à sa demande : l’enfant n’est jamais laissé seul, il est toujours porté dans une étole, en contact étroit (peau contre peau) avec sa maman (ou éventuellement une grande sœur…) jusqu’à l’age de 2-3 ans. Au moindre pleur, il est allaité ou bercer. Le bébé est également, chaque jour, longuement massé avec un mélange d’huiles et de plantes médicinales et baigné.
Plusieurs études montrent une grande précocité (motricité et langage) chez les bébés indiens élevés de cette façon malgré des conditions matérielles souvent précaires.
J’ai été souvent frappé, émerveillé par l’extrême dévouement des mères indiennes : elles comblent leurs enfants, en bas âge, d’une grande douceur, d’une grande attention et font preuve d’une grande patience. Elle leur offre protection, bienveillance, abondance, force telle la mère Divine.